Études marketing : les réunions de consommateurs restent indispensables

Publié le 6 décembre 2017 à 17:30 par Mathieu Ozanam

Environ 3 000 produits alimentaires sont lancés chaque année. La plupart sans véritable étude marketing. Mais l’impression de facilité des outils digitaux a ses limites. [Archive Mathieu Ozanam]

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« Nous travaillons sur les différentes étapes de la conception des produits, décrit Lambert Lagrevol, de l’institut Enov. Nous sommes parfois très en amont sur les formules et les recettes, avec des études sensorielles, jusqu’à la phase de test des produits. »

Certaines marques intègrent en effet les consommateurs dès le début du processus d’innovation. L’idée étant de partir d’une réflexion la plus large possible, avant que les différentes contraintes, notamment de production, ne viennent recadrer la direction prise. Autrement dit : il faut que le produit soit une réponse aux attentes réelles des consommateurs, et pas uniquement l’aboutissement des contraintes industrielles de production.

« Le consommateur veut travailler avec les marques, être dans la cocréation, explique Lambert Lagrevol. Au moment de leur recrutement, nous leur disons : “Vous allez participer à une aventure“. »

L’alimentation présente l’avantage de faire appel aux émotions, les études portant sur ces produits sont donc implicantes et rencontrent un écho favorable. Cependant, « les gens que nous interrogeons ne sont pas les mêmes qu’il y a cinq ans, estime Brigitte Méry-Bouche, du cabinet MTB Conseil. Ils sont plus informés et se montrent très attentifs à l’origine des produits. Où et comment ils sont fabriqués. »

Une digitalisation des enquêtes

L’autre évolution, c’est bien sûr le fort taux d’équipement des Français en smartphones et tablettes. « La digitalisation des enquêtes suit le consommateur qui vit avec son téléphone », expose Perrine Louichon, directrice de département à Ipsos Marketing.

Avec plusieurs effets positifs : un accès rapide et presque à toute heure du jour et de la nuit ou encore la faculté de toucher toutes les tranches d’âge, y compris les plus jeunes qui sont plus mobiles. En outre, la grande familiarité des consommateurs avec ces outils permettent aux enquêteurs de leur demandant un investissement personnel plus important.

« Avant le consommateur répondait à des questions, maintenant nous pouvons aussi lui demander d’envoyer des photos de son réfrigérateur pour voir quel type de fromage il contient ou de faire de petites vidéos de son apéritif. »

Ce qui permet d’inclure dans l’étude le contexte de consommation du produit. Certaines sociétés vont jusqu’à poser une petite caméra dans la cuisine des volontaires afin de les regarder prendre leur petit-déjeuner.

En conditions réelles

Le digital a tout de même ses limites. « Les gens sont très sollicités et ont tendance à zapper. » Par conséquent, les questionnaires ont été revus depuis plusieurs années afin d’être raccourcis et divisés en plusieurs modules individualisés.

« À certains moments, le digital peut nous servir, mais il n’en demeure pas moins qu’il faut être ensemble pour déguster un produit, insiste Philip Last, de l’agence Last Innovation. Le digital nous permet d’être plus en largeur, d’avoir moins de questions logistiques à régler, en revanche l’étude quantitative dans un lieu physique nous permet d’aller plus en profondeur. »

Mais même à cette occasion il arrive que les téléphones s’invitent quand un participant veut spontanément aller chercher une information sur internet pour montrer ce dont il parle. Il est alors invité à le remettre dans son sac. Les groupes n’excèdent pas huit à dix participants afin de laisser suffisamment de temps à chacun de s’exprimer et éviter la constitution de sous-groupes.

Parfois, les sociétés d’études cherchent à mettre les produits dans un contexte afin de mieux étudier les réactions. « Il nous arrive de recréer un linéaire d’un ou deux mètres dans le cadre d’une étude de packaging », explique Brigitte Méry-Bouche. Nous pouvons aussi leur donner des produits à la fin de la réunion pour qu’ils l’utilisent chez eux. » Et alors ils sont invités à prendre des photos de l’emballage ouvert ou livrer leurs impressions en faisait des sortes de petits reportages.

La contextualisation va parfois plus loin. « Pour un prémix nous avons invité des personnes dans un bar pour recréer un moment social, se rappelle Lambert Lagrevol. Une ambiance s’est installée, il y avait des interactions. Bien sûr, il peut y avoir une perception très différente si nous l’avions fait dans une salle blanche, mais il était difficile pour ce type de produit de ne pas l’évaluer en condition de consommation. » 

Malgré tous les efforts des sociétés d’études, trois sur quatre ne parviennent pas à dépasser une année de présence en rayon selon l’évaluation faite par Nielsen entre 2011 à 2013. L’institut d’études estime que les produits ne sont pas assez différenciants. Pour réussir, ils doivent constituer une réelle innovation.