Imprimeries : le papier a mauvaise presse
Abattage d’arbres, forte consommation d’eau, encres polluantes… Le papier est souvent pointé du doigt au profit du numérique. Les imprimeurs tentent néanmoins de redorer le blason du secteur. [Cet article a été initialement publié dans OUR(S) la revue #2]
Depuis une quinzaine d’années, le support papier est voué aux gémonies. Il serait plus polluant que le numérique. Un argument répété par les professionnels de ce secteur. Mais les imprimeries ne l’entendent pas de cette oreille et comptent bien casser certaines idées reçues. « La matière première, le papier, est une ressource renouvelable », insiste Jean-Paul Leveaux. Le PDG du groupe STF est propriétaire d’une dizaine d’imprimeries en France, dont deux dans l’Ain et le Rhône.
« Quand il s’agit des supermarchés, les sacs plastiques sont remplacés par des sacs en papier et là, les gens considèrent que c’est écologique », relève-t-il.
Pour mettre en avant les qualités environnementales du papier, certaines imprimeries ont décidé de jouer la carte de la pédagogie. À l’image de la Manufacture d’histoires Deux-Ponts, située à Bresson en Isère. Première imprimerie française à recevoir la certification ISO 14001 (en 2004), elle a édité son Livre vert, afin de défendre le secteur. Elle souligne ainsi que « 99 % du bois destiné à la production de papier en Europe provient de forêts gérées durablement » ou encore que « 70 % des papiers et cartons sont recyclés, contre seulement 18 % des équipements électroniques ».
Papier vs numérique
Un point sur lequel insiste Cécile Kebbal.
« Le numérique, ce n’est pas la panacée, affirme la DRH et responsable RSE de la Manufacture. Le papier a une forte valeur et n’est pas plus polluant qu’un smartphone ou qu’une tablette changés tous les deux ans. »
La pédagogie s’invite jusque dans les devis proposés aux clients. « On peut fournir le bilan carbone et comparer l’impact d’une campagne numérique et d’une campagne sur papier. » À l’heure où la majorité des démarches administratives sont dématérialisées, les chiffres présentés par l’imprimerie Deux-Ponts sont éloquents. « Une facture envoyée par internet libère 242 g de CO2, ce qui équivaut à la production et l’envoi de 15 factures au format papier », peut-on lire dans le Livre vert.
Au-delà du papier, d’autres mesures existent. « Nous utilisons des encres de plus en plus végétales, explique Jean-Paul Leveaux, et nous achetons également notre électricité verte. » De plus, certaines dispositions vont devenir obligatoires dans les années à venir, comme l’abandon du plastique pour emballer les journaux (au 1er janvier 2022) ou le recours à des encres 100 % végétales (au 1er janvier 2023).
Si les mesures actuelles n’ont pas généré de surcoût élevé, l’utilisation d’encres végétales pour les rotatives pourrait engendrer un triplement du prix, d’après le PDG de STF. Ce qui ne serait pas tenable économiquement. Finalement, comme le rappelle Jean-Paul Leveaux : « La meilleure façon de faire évoluer les règles environnementales, c’est qu’il y ait un intérêt économique. »
Clément Grillet