Balance ton Agency : « Lyon n’est pas épargné »
Créé il y a une semaine, ce compte Instagram révèle les témoignages de harcèlements sexuels, moraux et comportements sexistes en agences. Julie* est une professionnelle du secteur depuis une dizaine d’années à Paris, c’est elle qui a lancé Balance ton Agency. Entretien.
Quelle est la genèse de Balance ton Agency ?
J’ai lancé ce compte il y a tout juste une semaine et il affiche à ce jour 14 000 abonnés. Au départ, je voulais témoigner de mon expérience personnelle où j’ai souvent été témoin, plus que victime, de comportements sexistes, de harcèlements moraux ou sexuels. J’en ai eu assez du silence sur ces sujets car les témoins ou victimes ne parlent pas par peur d’être grillés dans ce tout petit milieu où tout le monde se connaît.
Le #metoo de la pub, l’an dernier, n’a pas suffi ?
Lancée par Les Lionnes [association de protection des femmes dans le milieu de la publicité], ce mouvement a permis de pointer du doigt plusieurs agences. C’était très important mais au final, c’est passé et il y a eu peu d’effet sur les comportements quand on voit les centaines de témoignages que je reçois aujourd’hui.
Les initiatives des Lionnes étaient-elles insuffisantes ?
Pas du tout. Tout le travail de l’association est primordial pour aider et accompagner les victimes. L’association met en avant souvent des verbatims entendus en agence mais sans citer les agences en question pour éviter les procès en diffamation et autre. Moi, avec ce compte Instagram, j’ai un pouvoir supplémentaire : l’anonymat. Cela permet de lutter à armes égales face à l’omerta dans le milieu de la publicité et de la communication.
Combien de témoignages avez-vous reçu à ce jour ?
Pour le moment, j’approche des 400 en une seule semaine. Majoritairement de Paris, mais pas uniquement. Hors de Paris, dans des villes plus petites, je crains que les gens aient plus peur de parler par crainte d’être reconnus et ensuite blacklistés.
Avez-vous eu des témoignages sur des agences lyonnaises ?
Absolument. Lyon étant le deuxième pôle de communication en France, la ville n’est pas épargnée. Je commence à collecter plusieurs témoignages sur plusieurs agences de la région lyonnaise, mais j’attends de cumuler suffisamment de témoignages pour les sortir. Et puis, j’ai tellement d’autres témoignages sur les affaires Braaxe et Les Gros Mots que je ne dois pas tout mélanger.
Avez-vous peur ?
Oui et non. Non car je vois qu’il y a une forte communauté derrière moi qui ne demandait qu’à parler. Et elle me soutient en réalisant par exemple un outil de publication ou une charte graphique. En revanche, j’ai acheté un téléphone de dealer et j’appelle en masqué histoire de ne pas donner d’informations sur moi.
Existe-t-il des agences bienveillantes ?
Évidemment et heureusement. D’ailleurs, je reçois de nombreux témoignages de personnes en agences dans ce sens. Je vais en parler bientôt sur Balance ton Agency, mais j’attends que les tempêtes Braaxe et Les Gros Mots soient passées pour pas que cela passe inaperçu.
Votre initiative a-t-elle eu des répercussions hors des agences concernées ?
Oui ! D’abord, j’ai de nombreux messages de la part de professeurs dans des écoles spécialisées qui me demandent de venir participer à des conférences sur ce thème. Ce que je ne peux faire actuellement pour préserver mon anonymat. En revanche, on m’a rapporté qu’il y a eu plusieurs prises de paroles de patrons en agence pour rappeler qu’il y avait des solutions en interne pour faire face à d’éventuels problèmes de harcèlements et autres comportements sexistes qui ne seront pas tolérés.